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Europe, la chevauchée statistique très politique

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L’UE28, bientôt 27 ou bientôt plus de 30 ? « Eurostat regional yearbook 2018 », publication annuelle et outil en ligne, ne distingue pas qui fait partie ou non de l’UE28. Petit éclairage des curiosités avec – au hasard – une visualisation de ceux qui se sont enrichis ou appauvris depuis 2007.

Carte evolution PIB UE28
Statistical Atlas. Eurostat regional yearbook 2018. Aucune modification apportée à l’infographie qui ne distingue pas membres, candidats et non candidats.

Sur cette infographie, c’est à dire information visuelle :

  • La Turquie, le Monténégro et le Liechtenstein en gris bénéficient d’une mention précisant en légende que les données manquent : sous entendu « elles auraient dû être présentées ». Le Liechtenstein bénéficie même d’un cartouche aux côtés de régions françaises d’outre-mer – pour signifier d’ailleurs qu’il n’a pas communiqué d’informations. (???)
  • La Norvège, l’Islande, la Suisse (c’est assez drôle quand on sait le bras de fer actuel avec l’UE), la Macédoine, la Serbie et l’Albanie, non-membres de l’UE, disposent de la même sémiologie graphique que le cœur historique Italie-France-Allemagne-Belgique-Luxembourg. Pourtant certains sont candidats et pas d’autres – l’argument « candidature » ne vaut donc pas pour expliquer ce traitement.
  • De la même couleur que la Russie dans son enclave de Kaliningrad, on trouve des timbres-poste totalement cernés par des pays membres comme Andorre ou Saint-Marin. Mais pourquoi les avoir oubliés ? Monaco est totalement absent de la carte.

Quel est le résultat ? Comparons avec l’infographie réduite à UE28, réalisée en affectant aux États non-membres une même couleur et en supprimant de la légende le gris foncé pour ajouter « non membre de l’UE 28 ».

Statistical Atlas. Eurostat regional yearbook 2018. Infographie modifiée pour que l’information soit réduite à UE28 conformément aux standards de référence appliqués.

En format galerie (côte à côte), l’effet visuel est évident. Entre 2007 et 2016, les PIB des nouveaux entrants récupérés de la « sphère russe », depuis les pays baltes à la Bulgarie, ont vu leur PIB fortement augmenter. Certes les niveaux de base étaient faibles. Dans le même temps, les grands décrocheurs sont les États membres de l’Europe méditerranéenne et atlantique. Sur la première infographie l’échec méditerranéen est dilué par les couleurs rouge/rose appliquées à la Norvège, l’Islande et la Suisse. On dira moins facilement que « l’Europe a échoué en Méditerranée » et davantage que la crise a durement frappé un certain nombre de pays, « un peu partout ».

Pourquoi représenter la Macédoine, la Serbie, l’Albanie ? La première infographie montre la vigueur de leur croissance, de quoi laisser entendre une redynamisation du bassin méditerranéen en crise ?

Parmi les grands apports de cette infographie : la manifestation d’une visée politique qui consiste à parler d’autre chose que ce que la sémiologie graphique prévoit puisque les données sont posées sur des territoires de nature juridique différente. On compare des choux et des tomates (non pas de sous-entendu). Alors, qu’est ce qui compte ? De montrer que si globalement la Méditerranée est à la traine, l’UE a un peu réussi dans une Méditerranée balkanique sous influence allemande ? Que la Norvège indépendante a vraiment bien moins réussi que ses voisins ? Que le modèle de croissance allemand dépasse le modèle suisse ? Sur cette infographie à gauche, la « banane bleue » qui reliait traditionnellement Amsterdam à Gênes a clairement glissé vers l’Est.

Un peu plus loin dans l’atlas, on pourra découvrir d’autres informations, tout aussi politiques, comme une approche fine de ce que la cohésion du territoire veut dire. Pas de « style carte» pour ce sujet, mais un graphique très parlant.

Figure 14.3: GDP per inhabitant, by urban-rural typology, 2016, in Eurostat statistical Yearbook 2018, p. 196.

Ce n’est pas l’objet du graphique que de raisonner ainsi, mais plus les figurés sont éloignés entre régions urbaine, intermédiaire et rurale, plus l’écart de richesse est important entre les régions les plus riches et les plus pauvres. Force est de constater que le modèle qui prévaut en Italie et en Espagne est de loin le plus égalitaire, suivi par ceux du Royaume-Uni et des Pays-Bas. C’est en effet en Italie que le PIB est le plus homogène (au sein même de régions par ailleurs inégalitaires les unes par rapport aux autres). En Irlande, Hongrie, Roumanie, Bulgarie et Slovaquie, les villes laissent le plus les campagnes à la traine, pays suivis de près par la France. Le questionnement politique nous est ouvert. Pour vivre en harmonie avec la mediete aristotélicienne, la voie moyenne de la sagesse, mieux vaut encore choisir les rivages de la «  mère  » Méditerranée. Et pour soutenir un modèle européen durable, il faudrait que ces modèles équilibrés se montrent davantage que de profil sur un graphique.

Sophie Clairet

Photographie du haut : Mosaïque au musée d’Arles antique représentant l’enlèvement d’Europe sur Wikipedia en Licence Creative Commons.


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